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Alternative Ardennes

La sagesse colèrique de Jean Meslier
--> par Florian Brion
préambule
Que fait un homme en colère ? Très en colère ?
S'il se fâche et si le pouvoir en place est tatillon cela peut conduire à se retrouver en compagnie policière, de préférence dès potron minet et en d'humiliantes postures.
Julien Coupat, entre autres, en sait quelque chose.
Le jeune homme, sans doute très en colère, était soupçonné d'ourdir un complot contre la sûreté de l'État, d'avoir écrit L'insurrection qui vient, etc.
La ministre de l'intérieur a fait faire un procès-verbal de sa bibliothèque, inventorier de plus 5000 ouvrages, dresser des listes, des catégories, évaluer la dangerosité des textes. Une journaliste de Libération écrivait alors « pourvu que La princesse de Clèvesn'y soit pas ».
Nous pouvons ajouter, pourvu que le Mémoirede Jean Meslier n'y soit pas ! Il y aurait de quoi rouvrir le bagne de Cayenne et y envoyer Coupat. Meslier ne réclame pas qu'on arrête les trains, fussent-ils à grande vitesse, il demande, entre autres : « Que tous les grands de la terre et tous les nobles fussent pendus et étranglés avec des boyaux de prêtres. »


Quand on est un homme en colère, on peut aussi prendre sur soi. On finit par s'habituer.

On s'habitue à tout.

Puis on se dit que la colère est une attitude de jeunes gens, et comme on avance en âge, on se dit qu'on n'a plus l'âge. Et on se désespère de constater que les jeunes gens, déjà, ne se mettent plus en colère.


Jean Meslier a vécu en colère.

Sa colère fut sa fidèle compagne, sa raison de vivre, son jardin secret.

Plus il vieillissait, plus elle grondait, plus elle grandissait.

Sa colère était sa vérité.

Quand, comme Meslier, « on pousse jusqu'à son extrême conséquence la recherche de la vérité », on ne peut que trouver la colère.

Cette colère, il l'a constuite, puis patiemment, avec pugnacité, il l'a entretenue.

Cette vérité-là n'est pas un aveu ou une confession, c'est un cri de guerre contre l'injustice, le malheur, la lâcheté.

Saine colère que tout honnête homme devrait avoir, saine vérité que tout honnête homme ne devrait craindre de crier.

Cette vérité-là renvoie à une vieille vertu grecque dont Meslier a pu trouver la trace dans ses multiples lectures de Montaigne : la parrhêsia.

La parrhêsia c'est la franchise, la parole des hommes libres qui doivent la vérité à leurs égaux, sans craindre de dire le désagréable ni de l'entendre. Cette parole qui libère, cette parole de la liberté s'oppose à la flatterie, à l'hypocrisie, à la langue des sophistes et des courtisans.

Cette vérité il nous l'a léguée. Nous sommes ceux qu'il appelle « mes chers amis », « chers peuples », nous en sommes les héritiers. Cette colère, cette vérité, c'est son testament : « j'aimerais, mes chers amis, tout faible et tout petit génie que je puisse avoir, j'essaierai ici, mes chers amis, de vous découvrir ingénument les vérités que l'on vous cache. » Il est on ne peut plus clair sur ses intentions, non seulement il s'agit de dire la vérité du monde, celle qu'on cache, de dire sa propre vérité, celle que les mêmes qui cachent la vérité du monde le contraignent à cacher et surtout, en conséquence de renverser ceux qui cachent la vérité et qui profitent de l'obscurantisme que cela induit pour accaparer le pouvoir sur les hommes et les richesses de ce monde.

La parole critique, la parole philosophique, n'est pas seulement une révélation, un discours, elle est déjà une action, un engagement.


Pourquoi lire Meslier ?

Parce que nous avons besoin de son audace, de sa radicalité, de son amour pour la vérité colérique, de sa détestation des compromissions, de ce franc-parler, de cette parole qui libère. Meslier nous apprend que même seul, avec de modestes moyens, on peut résister, s'insurger. Il nous rappelle que nous n'avons pas le droit de nous habituer à tout, que nous avons le devoir de nous mettre en colère contre les puissants, contre les mensonges qui légitiment leur puissance, et contre l'ignorance qui autorise les mensonges. Il nous rappelle qu'il faut déjà nous libérer de nous-mêmes, de nos petits mensonges qui autorisent les grands mensonges de ceux qui nous aliènent. Il nous rappelle qu'il n'est de tyran que pour ceux qui se laissent tyranniser.

Parce que Meslier recherchait la vérité il faisait un travail de philosophe, parce que Meslier trouva dans son amour pour la vérité des raisons d'aimer les humbles et de vouloir les aider à se libérer de leurs chaînes, il fit un travail de révolutionnaire.


« Nous partons d'un point d'extrême dénuement, d'extrême impuissance, tout est à bâtir d'un processus insurrectionnel, rien ne paraît moins probable qu'une insurrection, mais rien n'est plus nécessaire »

Le comité invisible, L'insurrection qui vient, janvier 2009.


Les saisons en enfer


« Les uns sont toujours dans la prospérité et dans l'abondance de tous les biens, dans les plaisirs et dans la joie, comme dans une espèce de paradis, pendant que les autres sont au contraire toujours dans les peines, dans les souffrances, dans les afflictions et dans les misères de la pauvreté, comme dans une espèce d'enfer »

Jean Meslier, 1729


Ces quelques lignes extraites du Mémoire dont Meslier entreprit la rédaction dans les premières années du XVIIIe siècle constituent le point de départ de notre lecture.

Tout d'abord une remarque : force est de constater que depuis, rien n'a changé.

Ensuite l'interprétation : Meslier définit l'enfer et le paradis, mais pas à la manière d'un curé.

C'est sur terre qu'existe le paradis. Il est défini comme prospérité, abondance de biens matériels, plaisirs et joie. Ce paradis est réservé à quelques-uns, toujours les mêmes.

C'est sur terre qu'existe l'enfer. Il est défini comme pauvreté, misère et souffrance. Cet enfer est réservé aux autres, toujours les mêmes.

Nul besoin de Dieu dans le ciel pour le paradis, ni de diable et de feu éternel pour l'enfer.

Ni au ciel, ni dans les souterrains du monde, le paradis et l'enfer sont ici, en ce monde, qui par ailleurs est le seul monde. Si c'est ici qu'on trouve le paradis et l'enfer, c'est ici qu'on en trouve les causes et les responsables. C'est ici que la vie devient un enfer ou un paradis. Dans cette vie qui est la seule, ne se préparent pas l'enfer ou le paradis, mais se vivent l'enfer ou le paradis.


Jean Meslier est né dans cet enfer terrestre, au milieu de ceux qui souffrent, en 1664, à Mazerny, dans le duché de Rethel, Louis XIV avait 26 ans. De la souffrance, le Grand Siècle en avait déjà amené dans la région, et en amènerait encore. Les princes se disputaient les frontières, et quand les princes se disputent, les humbles payent.

Quelques événements :

- 1643, bataille à Rocroi : Enghien (futur Condé) fait des exploits

- 1650, bataille à Rethel : Turenne fait des exploits

- 1653, bataille à Rethel, puis encore à Rocroi

- 1659, bataille à Sedan (à Étrépigny, sur 60 maisons, 28 sont incendiées)

Les campagnes sont ravagées, les récoltes perdues, les populations déplacées, des villages abandonnés. Puis il faut héberger la soldatesque, peu polie avec les dames et les demoiselles, et encore travailler à la réparation des remparts. On se bat pour des raisons religieuses : Sedan, surnommée la Genève du Nord, si près de la capitale des sacres, la très catholique Reims, cela irrite, surtout quand un cardinal (en 1659 Jules Mazarin achète le duché de Rethel à Charles III de Gonzague duc de Rethel, de Nevers, de Mayenne, de Mantoue et de Monferrat, deuxième Prince d'Arche) devient duc de Rethel.

- 1678, cela n'a pas grand chose à voir, quoique, mais Marie-Madeleine de Lafayette fait publier, anonymement, La Princesse de Clèves.

- 1681, fermeture de l'université huguenote de Sedan ; Pierre Bayle s'en va.

- 1685, révocation de l'Édit de Nantes, qui conduit à des conversions de masse, des déportations, des condamnations. A Sedan, on force les jeunes filles à entrer au couvent des Filles de la Propagation de la Foi ; on assiste à des scènes tragiques, on mure les fenêtres pour empêcher les évasions et les suicides. Vauban, qui passait par là pour inspecter les remparts qui firent sa célébrité, s'en émeut ; dans son journal Mes oisivetés, il note : « Il y a dans le Nord de la Champagne de quoi historier un martyrologue ».


Non loin de l'enfer, il y a le paradis. De la jouissance, l'époque en connaissait aussi. Jules Mazarin laisse à sa mort une gigantesque fortune de 36 millions de livres tournois, soit davantage que l'encaisse de la richissime banque d'Amsterdam. Richelieu, Charles Ier de Gonzague (le fils d'Henriette de Clèves, le fondateur de Charles-ville-la-neuve, le grand-père du vendeur cité plus haut – déjà les héritiers s'employaient avec zèle à dilapider les héritages), Fouquet, ministre des finances spécialiste de la confusion du bien public et du bien privé, son successeur Colbert, un roturier rémois, et tant d'autres ont amassé des fortunes considérables.

On s'enrichissait facilement et rapidement en pillant les contribuables du royaume, les colonies de Nouvelle-France, de France équinoxiale, et les comptoirs de la Compagnie des Indes. La manière était simple : extorsion, menace, peur, guerre, détournement de fonds, abus de biens publics, chantage. L'époque était aux corsaires et aux pirates ; ces gens n'avaient rien des gentlemen libertaires montrés dans les films ; le pirate était un entrepreneur privé, le corsaire un grand commis de l'État qui faisait de la piraterie légale (Jean Bart fut anobli en 1696 par Louis XIV en remerciement de ses services). Les grandes voleries des hommes d'Etat, les pirateries de palais étaient pratiques courantes, la corruption une coutume, on se servait des richesses du royaume puis, éventuellement, on le servait.

Les princes étaient généreux, dispendieux de l'argent qui n'était pas le leur. Ainsi on s'enrichissait facilement en vivant auprès d'eux. Ils distribuaient des avantages pour réduire au silence et acheter les louanges. Les récalcitrants étaient priés d'aller méditer sous des climats plus rudes, comme Pierre Bayle à Rotterdam, et René Descartes en Suède ; la douceur angevine lui manqua, il trépassa d'une infection pulmonaire.


Jean Meslier était un garçon à l'esprit vif, il impressionna un curé du voisinage qui insista pour qu'il fut envoyé au séminaire à Reims.

A cette époque, l'archevêque Charles-Maurice Le Tellier, un proche de la reine mère, donc du cardinal, bienveillant à l'endroit du rigorisme du jansénisme quoique prenant grand soin de sa propre fortune et de son train de vie, avait entrepris de reconquérir, sur le terrain spirituel, l'Ardenne, terre huguenote. Il lui fallait un personnel bien formé, instruit, lecteur, et méfiant à l'égard de la superstition.

Telles furent les circonstances qui firent de Jean Meslier, jeune Ardennais, une sorte de curé d'élite.

En 1689, alors que la Bastille n'avait plus qu'un siècle à tenir debout, Meslier fut nommé sur la paroisse d'Étrépigny et de Balaive, à un jet de pierre de Charleville et de Sedan, il y passa toute sa vie, il y mourut à la fin du mois de juin 1729.

Son travail : faire supporter l'enfer terrestre en faisant croire au paradis céleste, donner du pain sans levain à ceux qui n'ont pas de pain, offrir le corps et le sang du Christ à ceux dont les corps souffrent de mille meurtrissures et privations.

Il s'employa à cette tâche, mais pas seulement, il se lança dans la subversion clandestine par honnêteté intellectuelle : pourquoi faire supporter l'insupportable ? Ce serait se rendre complice de l'injustice que de faire passer l'injustice pour la justice, le scandaleux pour le normal. S'il ne croyait pas à l'autre monde et aux arrières-mondes, il avait son arrière-boutique. L'époque a rendu notre homme double : curé le jour, philosophe, écrivain révolutionnaire la nuit ; l'ombre le jour, et la lumière la nuit.

A sa mort les curés du voisinage découvrirent l'ouvrage, inhumèrent à la hâte Meslier, sans sacrements et sans inscription sur les registres paroissiaux (il n'est, pour l'Eglise, toujours pas officiellement mort), ce qu'ils firent des textes, nul ne le sait exactement, c'est le propre de la littérature clandestine, mais ceux-ci furent, très rapidement et largement diffusés et copiés comme il le demandait dans sa Lettre aux curés du voisinage : « De qui, Messieurs, de qui les peuples recevraient-ils les règles et les instructions de la véritables sagesse, si ce n'est de vous ? »

Meslier développa une pensée si singulière, si novatrice, si radicale, si étonnante que :

- Voltaire, lui-même, s'y intéressa rapidement, via des manuscrits clandestins, et en fit publier des extraits, non sans les avoir remaniés, sous le titre de Testament du curé Meslier ;

- Julien Offray de La Mettrie, philosophe matérialiste et hédoniste, théoricien de l'homme-machine, lut une copie intégrale du Mémoire de Meslier à Postdam, dans la bibliothèque de Frédéric II de Prusse en 1748 ;

- Paul Henri Thiry d'Holbach, savant et philosophe, collaborateur de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, publia un livre sous le nom de Meslier, dans lequel il n'y a pas une ligne de Meslier, puis plusieurs livres sous son propre nom, dans lesquels il y a tout Meslier ; comme Sade s'inspira de d'Holbach pour sa Philosophie dans le boudoir, on trouve le curé athée chez le divin marquis. C'est un détail anecdotique mais plaisant.

- En 1793, Anacharsis Clootz, député de la Convention, demanda « pour le premier ecclésiastique abjureur une statue dans le temple de la Raison, l'intrépide, le généreux, l'exemplaire Jean Meslier, curé d'Étrépigny en Champagne ».

Jean Meslier résistant


Dans l'ombre de son presbytère, Meslier rédigea un livre unique : Mémoire des pensées de J.M., prêtre curé d'Étrépigny et de Balaives sur une partie des erreurs et des abus de la conduite et du gouvernement des hommes, où l'on voit les démonstrations claires et évidentes de la fausseté de toutes les divinités, et de toutes les religions du monde. Pour être adressé à ses paroissiens après sa mort et pour leur servir de témoignage de vérité à eux, et à tous leurs semblables.


Le titre est immense, l'entreprise aussi : dénoncer les causes et les raisons de la tyrannie des puissants et de l'imposture religieuse pour rendre possible pour tous le paradis sur terre.

La méthode est révolutionnaire : contrairement à ses devanciers en dénonciations des injustices, Meslier ne rédige pas une utopie, mais un programme d'action politique. Il s'agit de passer à l'acte. Il ne faut pas substituer à une fable religieuse une fable profane, mais à toutes les fables la réalité matérielle. Plus audacieux encore, il faut que le peuple des opprimés se libère lui-même, quitte à opprimer les oppresseurs.


Le point de départ de Meslier, nous l'avons vu : l'enfer et le paradis existent, mais sur terre.


Question 1 :

Peut-on, quand on est né en enfer, gagner le paradis, c'est-à-dire le paradis terrestre des beaux habits, des nourritures abondantes, et surtout de l'oisiveté ?


Questions 2 :

Pourquoi ceux qui sont au paradis des riches y sont-ils ?

Pourquoi ceux qui sont dans l'enfer des pauvres y sont-ils ?

Quels crimes ont commis les pauvres ?

Quelles grandes oeuvres ont accompli les riches ?

Quel est le mérite de cet enfant de 12 ans qui est sacré Roi de France en la cathédrale de Reims le 17 octobre 1722 ?


Questions 3 :

Pourquoi ceux qui travaillent ne travaillent ni pour eux, ni pour leurs enfants, mais pour les autres, pour ceux qui vivent au paradis de ceux qui ne travaillent pas ?

Pourquoi le travail affaiblit-il ceux qui travaillent, et renforce-t-il ceux qui ne travaillent pas ?


La réponse de Meslier est claire et sans appel :

Il n'y a pas de crime imputable aux Ardennais d'Étrépigny, ni à tous les peuples de la terre, et il n'y a pas de belles actions dont doivent être remerciés les puissants et les princes.

L'enfer n'est pas mérité, le paradis non plus.


Question 4 :

Pourquoi, dans ce cas le paradis et l'enfer existent-ils ?


Réponse de monsieur le curé : si l'enfer existe, c'est tout simplement pour que le paradis existe.

C'est la pauvreté des pauvres qui fait la richesse des riches. Plus les pauvres travaillent, plus les riches s'enrichissent. Lisons-le, pour mieux nous en convaincre :

« Le suc abondant qui nourrit ces superbes et orgueilleuses nations dont je viens de parler [la monarchie, l'aristocratie, l'appareil d'État, le clergé, les nantis et les rentiers] sont les grandes richesses et les gros revenus qu'ils tirent tous les jours du pénible travail ou des pénibles travaux de vos mains. Car ce n'est que de vous et ce n'est que par votre industrie et par vos pénibles travaux que vient l'abondance de tous les biens et de toutes les richesses de la terre.

C'est ce suc abondant qu'ils tirent de vos mains qui les entretient, qui les nourrit, qui les engraisse et qui les rend si forts, si puissants, si orgueilleux, si fiers et si superbes qu'ils sont. »


Pour Meslier, les travailleurs travaillent à leur dégradation économique, politique et morale, ils créent et renforcent tous les jours l'injustice dont ils souffrent, ils sont bien les travailleurs de l'enfer où ils croupissent et, comme en creux les bâtisseurs du paradis dont d'autres jouissent.

« En un mot, les gens de bien souffrent trop souvent dans ce monde-ci des peines que devraient souffrir les méchants. Et les méchants y jouissent ordinairement des biens, des honneurs et des contentements, qui ne devraient être que pour les gens de bien. »


Questions 5 :

Qu'est-ce qui permet cette situation contre nature ?

Qu'est-ce qui permet de justifier ce qui est contre la logique, contre l'évidence, contre la justice ? Qu'est-ce qui permet de justifier l'injustifiable, à savoir, rappelons-le, que ceux qui travaillent ne jouissent pas des fruits de leur travail et que ceux qui ne travaillent pas jouissent du fruit du travail des autres ?


La réponse du prêtre curé d'Etrépigny et de Balaive est des plus audacieuses.

La situation des hommes est contre la nature, contre la logique, contre la réalité, contre le bon sens, contre la raison, donc ce qui peut l'expliquer ne peut être que surnaturel, irréel, illogique, insensé, irrationnel. Or, à cette définition ne correspond que la religion.

Lisons-le encore : « c'est une grande folie de vouloir prendre des biens purement imaginaires pour des biens réels et véritables, et il n'appartient proprement qu'à des visionnaires et à des fanatiques de prendre de telles illusions pour des vérités réelles. » Et plus loin : « toutes les religions qui sont ou qui ont été dans le monde ne sont et n'ont jamais été que des inventions humaines. »


Meslier tire les conséquences qui s'imposent :

« Ces choses-là sont gouvernées par la malice des hommes [donc] Dieu n'est pas Dieu car il n'est pas croyable qu'un Dieu tout puissant, infiniment bon et infiniment sage voudrait souffrir un tel renversement. »

La religion est une imposture en vue de permettre l'injustice et de la légitimer.

Donc ceux qui diffusent la religion sont des escrocs et des menteurs.

Donc ceux qui en profitent sont leurs maîtres en escroquerie et en mensonge.

Donc ceux qui y croient se font abuser.

Or croire en une imposture est dangereux, parce que pour défendre l'indéfendable il n'y a que le fanatisme (« La religion est une vraie pépinière de fanatiques »).

Si la religion est une imposture, elle invente le dieu dont elle parle ; il ne saurait y avoir de fausse religion d'un dieu vrai, un tel dieu vrai ne le permettrait pas.

Donc Dieu est faux.

S'il est faux il ne peut pas exister.

Donc, Dieu n'existe pas.

Si Dieu n'existe pas, pourquoi ce qui existe existe ?

Par nature.

Pourquoi la nature existe-t-elle ?

Par matière.

Qu'est-ce que la matière ?

Ce qui est.

Pourquoi ce qui est est ?

Parce que l'être ne peut qu'être. Par définition, l'être est. Meslier définit la matière comme « être en général et sans restriction », et encore « l'être matériel ne peut avoir été fait, ni avoir été créé, et par conséquent, il a toujours été ». De même, par définition le non-être n'est pas. Rien de plus logique, clair, évident.


Comprenons où le curé nous emmène :

La religion est un mensonge qui légitime l'injustice, Dieu n'existe pas, le clergé est une sorte de syndicat du crime, une confrérie d'escrocs, et enfin, se faisant philosophe Meslier affirme que le monde, parce qu'il est, et parce que ce qui est ne peut être que matériel, n'a pas besoin de créateur.

Il entreprend une déconstruction généralisée, s'affirme philosophe de lumières incandescentes qui renvoient les Diderot et les Kant à la timide lueur de la flamme d'une chandelle :

- déconstruction sociale,

- déconstruction politique,

- déconstruction religieuse,

- déconstruction de l'idée de Dieu.


En quelques pages il annonce :

Que la société des rois n'est pas la seule possible. Donc, pour le dire de manière plus moderne, qu'un autre monde est possible.

Que les nobles puissants et riches n'ont aucune légitimité à être nobles puissants et riches, donc à le rester.

Que la religion est un mensonge.

Que le Christ est un homme qui a perdu la raison, un fantasque, un dément qui prétend être le fils d'un père qui n'existe pas et d'une mère vierge (son ascendance revendiquée et assumée étant la preuve du délabrement psychique de ce malheureux).

Que Dieu n'existe pas.

Que l'on n'a pas besoin de Dieu pour trouver une cause à ce que l'on est et à ce qui arrive.


Formidable projet, lourd de conséquences.

Il s'emploie à l'argumenter en 8 preuves qui forment l'architecture de son Mémoire.


Preuve n°1 :

Les religions, quelles qu'elles soient, sont des inventions humaines (il reprend Montaigne « l'homme est bien insensé. Il ne saurait forger un ciron, et forge des dieux à la douzaine ») et se contredisent toutes entre elles, donc sont toutes fausses, des fables pour amuser les enfants et de moindre qualité que celles d'Esope.


Preuve n°2 :

La foi qui sert de fondement à toutes les religions est le produit d'impostures, de fables, de superstitions : les miracles, l'eucharistie, l'incarnation de Dieu dans son fils. Les évangiles prétendument écrits par des prétendus témoins se contredisent. Même le juge le plus crédule et le procureur faisant preuve de la plus éhontée des mauvaises fois reconnaîtraient l'irrecevabilité de ces témoignages. Coupables de fausses déclarations devant le tribunal de l'humanité, les apôtres sont en mauvaises postures.

 

Preuve n°3 :

Les révélations divines sont des fables de nourrices, le traitement des animaux dans la Bible relève de la pire des barbaries, le sacrifice du fils d'Abraham est scandaleux ! On ne saurait prendre exemple sur de telles conduites pour bien vivre.


Preuve n°4 :

Les prophéties de l'Ancien testament et celles de l'Évangile ne se sont jamais réalisées.

Jésus n'a pas sauvé les hommes, il n'a même pas été capable de se sauver lui-même. Comment ce pauvre hère, incapable de prendre soin de lui, obligé de mendier jusqu'à un peu d'eau, pourrait-il prendre soin du monde entier ?


Preuve n°5 :

Vérité à propos de la dégradation psychique du Christ qui est comparé à Don Quichotte, « le fameux chevalier errant aux imaginations et pensées aussi déréglées et aussi fausses que celles de Jésus » ; le christianisme est une folie devenue religion.

Le christianisme est logiquement indéfendable parce qu'en permanente contradiction avec lui- même :

- monothéiste et trinitaire ;

- contre l'idolâtrie païenne, mais adorant les idoles « de pâte et de farine » ;

- le christianisme est une religion boulangère et viticole ;

- son dieu est tout puissant, mais colérique, insatisfait, vengeur, menteur, sans sagesse, injuste...

- la morale chrétienne est insensée, elle prône la souffrance, favorise les méchants, condamne le plaisir, avilit le corps et dégrade la sexualité. C'est une morale contre nature et contre la logique ; ce qui est contre la nature et la logique ne peut être vrai. Cette morale est donc fausse, une morale ne saurait être fausse, donc cette morale n'est pas une morale.


Preuve n°6 :

Le christianisme n'est qu'un discours pour soutenir les tyrans, légitimer le parasitisme social, les pires inégalités et ce qui les autorise : la propriété privée. Pire encore, il rend le mariage indissoluble causant ainsi de grands malheurs aux hommes qui n'ont pas besoin de tracas supplémentaires. Longue énumération de toutes sortes d'abus autorisés au nom de la religion.


Preuve n°7 :

Dieu n'existe pas ; d'ailleurs, toutes les preuves de son existence sont des sophismes ; un dieu qui existe le ferait clairement savoir, et ne laisserait pas à des bonimenteurs le soin de parler à sa place de son existence.

La matière est incréée et a elle-même son propre mouvement.

Critique de Descartes sur la distinction de la substance pensante (l'esprit, l'âme si on veut) et de la substance étendue (le corps, la matière si on préfère). Tout est matière (donc voilà un curé matérialiste), tout est agencement et modification des agencements de la matière.

Les malheurs et les imperfections sont produits soit par la nature, soit par des erreurs des hommes. La nature n'est pas méchante, mais elle n'est pas faite pour les hommes (encore une critique de Descartes qui pense, quant à lui, que l'homme doit se rendre « comme maître et possesseur de la nature »).


Preuve n°8 :

L'âme n'est ni spirituelle, ni immortelle. L'âme est matérielle, les idées sont, comme les émotions et les sentiments, des modifications des agencements de la matière. Comme les hommes, les animaux ont des émotions et des idées, ils sont eux aussi agencements et modifications d'agencements, donc il ne doit pas leur être fait de mal.

Critique de Descartes et de sa théorie des animaux machines.

Les animaux ne sont pas des choses. (On notera le caractère étonnamment contemporain de l'approche mesliériste de l'animal)


Meslier ajoute une conclusion dans laquelle il récuse toutes les critiques qu'on pourrait lui faire et en appelle au tribunal de droite raison « par devant les personnes sages et éclairées, récusant pour juges dans cette affaire, tous ignorants, tous bigots, tous partisans et fauteurs d'erreurs et de superstitions, comme aussi tous flatteurs et favoris des tyrans, et tous ceux qui sont à leurs gages. »


Et maintenant, que faire ?


La religion est déconstruite, Dieu est sans existence et même sans essence, le monde est compris comme un agencement de matière, l'enfer dépourvu de légitimité et le paradis est mis à portée de main.

Il ne reste plus qu'à sortir de l'enfer et entrer au paradis.

Cela ne saurait se faire naturellement, spontanément, mécaniquement, tant la société des hommes a été corrompue par tant de siècles de mensonges et de tyrannie.

La révolution s'impose.


La dernière partie du Mémoire est un véritable manuel de la révolution, un programme d'instauration d'une société nouvelle.

Meslier vise à modifier la société des hommes, et non pas à écrire une utopie, il programme une révolution pour tous, pas pour quelques instruits, fils de princes ou de bourgeois, courtisans emperruqués et poudrés, amateurs de charges et d'avantages, marquis libertins et ambitieux... la révolution de Meslier n'est pas une révolution bourgeoise et libérale, il ne s'agit pas de promouvoir l'oppresseur éclairé. Meslier est un penseur radical. Pour être tout à fait clair, quand on lit Meslier, on n'est pas chez Thomas Moore ou chez Jonathan Swift, encore moins chez Voltaire ou Lafayette.


La réflexion que mène le curé athée s'oriente selon 5 directions :

1. la question de la nature humaine.

2. la question de l'économie, de la production, des besoins, de la propriété.

3. la question du pouvoir, du commandement, de la justice.

4. la question sociale, l'éducation, le logement, la solidarité, la famille, le couple, la morale.

5. la question du rapport de l'homme à la nature et aux animaux.


La question de la nature humaine est cruciale.

Comment en est-on arrivé à un tel état de délabrement des hommes ? Il emprunte à l'auteur de L'Espion Turc, Paolo Giovani Marana, qu'il cite si souvent, des mots terribles : « il n'est rien de si abjecte, de si pauvre, de si méprisable que le paysan de France. »

Qu'en est-il de la nature humaine ?

On peut, d'une part considérer les hommes méchants par nature, auquel cas la société des rois ne serait pas parvenue à juguler leur méchanceté et leur injustice, à établir un monde meilleur, même en invoquant un Dieu mort sur la croix pour sauver ces méchants hommes.

D'autre part on peut considérer les hommes bons par nature et avilis par une société vile, méchante, injuste. Les hommes à la nature malléable, influençable, se seraient adaptés si bien à cette vilenie artificielle qu'elle serait désormais pour eux comme une seconde nature. La première a-t-elle totalement disparue ?

Une autre hypothèse assez proche de cette seconde mais tout de même distincte, est envisagée. La nature humaine est neutre, ou un ensemble de potentialités ; et la société des tyrans n'aurait permis que l'actualisation des pires potentiels de l'homme : le mensonge, la volonté de puissance, la corruption, l'égoïsme, etc.

On comprend alors que quelque soit l'hypothèse à propos de la nature humaine, la société d'Ancien Régime est nocive, au pire elle a avili l'homme, au mieux elle a échoué à le rendre meilleur. De la réponse à la question de la nature humaine dépendra la manière de procéder au changement de société et surtout l'élaboration d'un projet social et sa réalisation.

Si la nature humaine est insuffisante, inachevée, ce qui expliquerait la méchanceté, il faut mettre en place une société qui permette de combler les manques naturels, l'artifice de la loi viendrait parfaire ce que la nature aurait laissé inachevé.

Si la nature humaine est bonne et généreuse, la société doit, si elle est encore nécessaire, se conformer à cette nature. Toute initiative nouvelle risquerait de rompre l'équilibre naturel, on ne parfait pas une perfection.

Si la nature humaine est un ensemble de potentialités à faire émerger, alors la société nouvelle doit créer les conditions pour qu'émerge le meilleur de l'homme et reste en retrait le pire.


Pour Meslier, tous les hommes sont égaux en matière, tous les hommes sont frères en matière, tous les hommes sont également libres, déterminés seulement par les lois de la matière.

Lisons-le : « Tous les hommes sont égaux par nature, ils ont tous également le droit de vivre et de marcher sur la Terre, également d'y jouir de leur liberté naturelle et d'avoir part aux biens de la Terre en travaillant utilement les uns et les autres. »

Or : « toute une société de ruses et d'artifices », « une détestable politique », « des abus de la faiblesse et de la crédulité de l'ignorance », « cette énorme disproportion que l'on voit partout entre les différents états et conditions des hommes, dont les uns semblent même nés que pour dominer tyranniquement sur les autres, pour avoir toujours leur plaisir et leur contentement dans la vie, et les autres au contraire semblent n'être nés que pour être misérables, des malheureux et des vils esclaves ».

Ailleurs, Meslier écrit : « tant que l'honneur, que la gloire, que les aises et les douceurs de la vie ne seront attachés qu'à certaines naissances et à certaines conditions de vie, plutôt qu'à la vertu et au mérite personnel, les hommes seront toujours vicieux et méchants, et par conséquent toujours aussi malheureux »


Donc, d'un côté la réalité matérielle et naturelle, de l'autre l'artifice, la ruse, l'habitude corrompue transformée en faux ordre social. D'un côté la vérité de la condition naturelle humaine, de l'autre le mensonge de l'artifice.

Pourtant Meslier ne tranche pas si clairement que le Rousseau du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes : opposer une nature humaine généreuse à une culture délabrée n'est pas une explication satisfaisante. Si les hommes sont méchants c'est qu'ils y ont une certaine prédisposition, ce serait donc la troisième hypothèse qui serait retenue : « c'est par la folie et la méchanceté des hommes qu'il y a tant de Princes et tant de tyrans sur la terre ». Les hommes ne sont pas spontanément généreux et sages, il faut bien faire venir en eux la sagesse et la générosité, si on les laisse en friche, si on ne les cultive pas, ils demeureront comme des animaux, alors qu'ils peuvent mériter autre chose.

Cependant cela invalide totalement les fondement de la société d'Ancien Régime.

Comment supporter que le mensonge soit préféré à la vérité ?

Comment supporter que l'illusion passe devant la réalité ?

Comment se fait-il que ceux qui souffrent supportent ?

« Ils devraient plutôt avoir honte », écrit Meslier, et plus loin : « Les hommes sont lâches de laisser vivre si longtemps les tyrans ».

La pensée du curé en fait un sérieux devancier de l'universelle gueuserie que Jean-Jacques Rousseau dénonçait en décrivant Montpellier : « ces rues sont bordées alternativement de superbes hôtels et de misérables chaumières pleines de boue et de fumier, les habitants y sont moitié très riches, et l'autre moitié misérables à l'excès, mais ils sont tous universellement gueux par la manière de vivre la plus vile et la plus crasseuse que l'on puisse imaginer ».

Quelques poignées de dizaines d'années avant le Suisse le plus célèbre de France, Meslier écrivait : « il n'y a qu'un intervalle entre ce paradis et cet enfer ; car souvent il n'y a que le travers d'une rue, ou l'épaisseur d'une muraille ou d'une paroi entre les deux, puisque fort souvent les maisons ou les demeures des riches sont tout proches des maisons ou des demeures des pauvres. »


Meslier ne fait pas un portrait idyllique du laboureur ardennais, qui ne serait méchant et vil que par la présence de son seigneur. Les seigneurs sont peu présents, et quand ils sont absents, les paysans se comportent encore plus vilement, parce qu'ils jouent au seigneur à la place du seigneur. Le portrait que trace Meslier du peuple est lucide comme ceux de Molière dont le Sganarelle est un remarquable apprenti Dom Juan et qui, à la mort de son maître, ne pense pas à sa liberté mais se demande qui lui paiera ses gages, ou comme ceux de La Bruyère dont au moins une des éditions des Caractères repose en bonne place dans la bibliothèque du presbytère d'Etrépigny.

Le peuple n'entrera pas spontanément au paradis sur terre même si la porte est ouverte.

Il faut l'y faire entrer, lui en donner l'idée. Il faut le réveiller.

Mais, il faut qu'il y entre seul. L'y conduire serait le conduire à une nouvelle tyrannie.

La révolution sera donc une révolution du réveil du peuple, mais le peuple devra participer à son réveil.


Question n°1 :

Comment transformer des vilains en révolutionnaires ?


Question n°2 :

Comment transformer des révolutionnaires en citoyens ?


Les pauvres ne sont pas justes et généreux parce qu'ils sont pauvres, bien au contraire. Meslier fait même des remarques assez dures : les laquais et les servants sont des « fainéants inutiles » qui font la force de leur maître et qui sont prêts à toutes les bassesses pour des beaux habits et les restes des assiettes. Pourtant, Meslier sait que l'émancipation du peuple ne viendra que de lui-même : « la plupart de ces peuples entrevoit déjà assez les erreurs et les abus dont on les entretient, ils n'ont besoin à cet égard que d'un peu d'aide et d'un peu de lumière pour en voir clairement la vanité, et pour s'en délivrer entièrement l'esprit ».


Contradiction :

D'un côté le peuple est emprisonné dans des leurres traditionnels et sociaux, dans une psychologie de l'impuissance et de la lamentation, donc incapable de prendre la décision de se délivrer lui-même ; de l'autre côté, pour Meslier, toute libération du peuple ne peut venir que de lui-même. Des princes qui libéreraient le peuple ne le libéreraient que pour mieux le réasservir, et en plus avec son consentement.

Meslier trouve la solution chez La Boétie et Montaigne. Le pouvoir n'existe qu'avec le consentement de ceux sur lesquels il s'exerce. Qu'on cesse d'obéir, et le pouvoir tombe : « Soyez résolus à ne plus servir, et vous serez libres », puis plus loin« c'est le peuple qui s'asservit, qui se coupe la gorge, qui ayant le choix ou d'être serf ou d'être libre quitte sa franchise et prend le joug » écrit Étienne de La Boétie en 1549 dans son fameux Traité de la Servitude volontaire.

Meslier ne peut ignorer que le chapitre XXX du Livre I des Essais traite de la stupéfaction des « ambassadeurs » Brésiliens débarqués à Rouen pour être montrés au jeune roi Charles IX : « ils avaient aperçus qu'il y avait parmi nous des hommes pleins et gorgés de toutes sortes de commodités, et que leurs moitiés étaient mendiant à leurs portes, décharnées de faim ; et trouvaient étrange que ces moitiés nécessiteuses pouvaient souffrir une telle injustice, qu'ils ne prissent les autres à la gorge, ou missent le feu à leur maison. »

Comme La Boétie, comme les Brésiliens, Meslier s'étonne du spectacle de l'obéissance. Meslier adopte le point de vue naïf mais si sage de ceux qui s'étonnent que des valeureux guerriers se soumettent à un enfant, que les travailleurs s'appauvrissent et les oisifs s'enrichissent, que les honnêtes gens s'humilient et que les fripouilles paradent. En conséquence, il demande :

- Ne donnez rien aux riches, ni votre temps, ni votre argent ;

- Refusez-leur les honneurs ; un riche n'est pas un homme d'une plus haute valeur qu'un autre, la richesse ne fait pas la valeur d'un homme ;

- N'aimez pas ceux qui vous avilissent ;

- Ne participez pas à l'avilissement de vos semblables et, en voie de conséquence à votre propre avilissement.


« Vous étonnez-vous, pauvres peuples ! Que vous ayez tant de mal et tant de peine dans la vie ? C'est que vous portez seuls tout le poids du jour...Vous êtes chargés... de tous les fardeaux de l'État.

Qu'est-ce que seraient, par exemple, les plus grands princes et les plus grands potentats de la terre si les peuples ne les soutenaient ? Ce n'est que des peuples, qu'ils ménagent cependant si peu, ce n'est, dis-je, que des peuples qu'ils tirent toute leur grandeur, toute leurs richesses et toute leur puissance, en un mot ils ne seraient rien que des hommes faibles et petits comme vous, si vous ne souteniez leur grandeur, ils n'auraient pas plus de richesses que vous, si vous ne leur donniez pas les vôtres, et enfin, ils n'auraient pas plus de puissance et d'autorité que vous si vous ne vouliez pas vous soumettre à leur loi.

Vos tyrans, si puissants et si formidables qu'ils puissent être, n'auraient aucune puissance sur vous sans vous-mêmes ; toute leur grandeur, toutes leurs richesses et toute leur puissance ne viennent que de vous. Ce sont vos enfants, vos parents, vos alliés et vos amis qui les servent, tant à la guerre que dans les emplois où ils les mettent ; ils ne sauraient rien faire sans eux et sans vous. »


Pour que la désobéissance fonctionne, il faut se débarrasser des parasites, de ceux qui profitent du système, donc pas simplement des rois, des princes, des nobles, des gouverneurs de province, des gouverneurs des villes, des gens de justice, des gens d'église, des gens de guerre, des gens d'impôt, mais aussi des gardes de sel, des gardes de tabac, des commis de bureau, des greffiers, des sergents, des recruteurs, des recors, etc.

Les gens du peuple, égarés, « aveugles », « fous », « qui exécutent aveuglement d'injustes ordonnances », se livrent à des confiscations, des saisies, des mauvais traitements sur leurs frères de malheur.


Ce sont ces observations lucides qui conduisent Meslier à congédier l'option réformiste. La société ne peut être transformée que radicalement. Toutes les réformes ne sont que des stratagèmes pour faire accepter la tyrannie, la rendre plus supportable et plus douce. Tout ce qu'on appelle progrès n'est un progrès que pour ceux qui réforment, pas pour ceux qui sont réformés. L'Église, même réformée, reste l'Église. Meslier ne porte pas plus dans son coeur un huguenot (bien qu'il ait été soupçonné d'avoir été en liaison avec les calvinistes de Sedan) qu'un catholique. Les deux restent des déicoles. La Réforme reste une drogue, le goût est différent mais l'effet est le même. Pire encore, la Réforme permet de se droguer en toute bonne conscience.

La lutte est la seule manière de regagner de la dignité. Meslier voudrait ne plus voir les paysans se courber au passage d'un seigneur, il voudrait ne plus voir la société tout entière vouée à la génuflexion et l'hypocrisie.


« Où sont ces généreux meurtriers des tyrans que l'on a vus dans les siècles passés ? Où sont les Brutus et les Cassius ? Où sont les généreux meurtriers des Caligula et de tant d'autres ? Où sont les Publicola ? Où sont ces généreux défenseurs de la liberté publique, qui chassèrent les rois et les tyrans de leur pays, et qui donnaient licence à tout particulier de les tuer ? Où sont les Cinna et tant d'autres, qui écrivaient et qui déclamaient hautement contre la tyrannie des rois ? Où sont ces dignes empereurs, Trajan et Antonin le débonnaire, dont le premier, donnant l'épée au premier officier de l'Empire, lui dit de le tuer lui-même de cette épée s'il devenait tyran, et dont l'autre disait qu'il aimait mieux sauver la vie à un de ces sujets que de tuer mille de ses ennemis ? Où sont, dis-je, ces bons princes et ces dignes empereurs ? On n'en voit plus de pareils ; mais à leur défaut, où sont les Jacques Clément et les Ravaillac de notre France ? Que ne vivent-ils pas encore, ces généreux meurtriers des tyrans ? Que ne vivent-ils encore dans nos jours pour assommer ou poignarder tous ces détestables monstres et ennemis du genre humain, et pour délivrer par ce moyen les peuples de leur tyrannie ? Que ne vivent-ils encore, ces dignes et généreux défenseurs de la liberté publique ? Que ne vivent-ils encore aujourd'hui pour chasser tous les rois de la Terre, pour opprimer tous les oppresseurs et pour rendre la liberté aux peuples ! Que ne vivent-ils encore tous ces braves écrivains et tous ces braves orateurs, qui blâmaient les tyrans, qui déclamaient contre leur tyrannie, et qui écrivaient âprement contre leurs vices, contre leurs injustices, et contre leur mauvais gouvernement ! Que ne vivent-ils encore aujourd'hui, pour blâmer hautement tous les tyrans qui oppriment, pour déclamer hautement contre les vices et contre toutes les injustices de leur mauvais gouvernement, pour rendre par des écrits publics leurs personnes odieuses et méprisables à tout le monde, et enfin pour exciter tous les peuples à secouer le joug insupportable de leurs tyranniques dominations ? Mais non, ils ne vivent plus, ces grands hommes, on ne voit plus de ces âmes nobles et généreuses qui s'exposaient à la mort pour le salut de leur patrie, et qui aimaient mieux avoir la gloire de mourir généreusement que d'avoir la honte et le déplaisir de vivre lâchement. Et il faut dire, à la honte de notre siècle et de nos derniers siècles, que l'on ne voit plus maintenant dans le monde que de lâches et misérables esclaves de la grandeur et de la puissance extraordinaires des tyrans. »


Voilà l'expression de la colère radicale de Meslier. Comme toute colère, cette colère-là est une irruption, une explosion. Tentons d'y voir clair sans pour autant l'adoucir et la rendre inoffensive.


L'infâme c'est le tyran.

Meslier identifie un ennemi : le tyran.

Tous les hommes de pouvoir ne sont pas des ennemis : les empereurs romains Trajan et Antonin sont « dignes empereurs » et « bons princes ». Ailleurs Meslier décrit Marc-Aurèle comme étant « l'un des meilleurs empereurs qui furent »; puis revient sur Trajan « qui fut un très bon et un très excellent prince », et sur Antonin « le plus juste et le plus modéré des princes qui aient jamais tenu l'empire. »

Par contre Héliogabale est « le plus dissolu, le plus licencieux, le plus infâme, le plus exécrable »; Caligula « un des plus méchants, des plus infâmes, des plus détestables tyrans »; Commode qui « voulu être appelé Hercule, fils de Jupiter » est décrit en meurtrier, Domitien en idolâtre de lui-même.

Ce n'est pas la fonction d'empereur qui est détestable en elle-même puisque certains empereurs sont excellents. La fonction ne rend ni méchant ni excellent. Le commandement des hommes est bon si celui qui commande commande pour la liberté de tous et consent à y sacrifier sa propre liberté et sa propre existence. Le commandement des hommes est haïssable si celui qui commande commande pour sa propre liberté et pour sa propre existence, quitte à y sacrifier l'existence et la liberté de tous les peuples de la terre.

On ne peut donc pas, dans l'état actuel de notre lecture dire de Meslier qu'il fut un anarchiste.

Si les peuples doivent être commandés, il faut qu'ils le soient par un homme capable de mettre leur liberté au-dessus de tout, non comme un idéal mais comme une réalité parce que les hommes sont si lâches, si ignorants, si crédules qu'ils savent se contenter d'illusions, qu'on leur dise qu'ils sont libres et ils le croient, qu'on leur dise que la liberté est dangereuse et ils le croient. Absorbés par leurs habitudes et par la recherche égoïste de petits avantages personnels aussi misérables qu'éphémères, ils finiraient par oublier ce qu'est la liberté et seraient capables d'appeler l'esclavage la liberté, la guerre la paix et l'amour la haine.


La condition de l'infamie : la lâcheté des peuples.

Meslier identifie la condition de possibilité de la tyrannie : la lâcheté.

On ne devient pas tyran tout seul. Il faut des hommes qui se laissent tyranniser.

On ne reste pas tyran tout seul, il faut des hommes qui acceptent de laisser les tyrans en vie, et même, qui soient capables de zèle pour leur offrir leur vie.

La tyrannie s'appuie donc sur une sorte de tendance de l'humanité à la lâcheté.

Le courage de la désobéissance, déjà identifié par La Boétie suffirait à rendre inoffensif le tyran, la désobéissance est une sorte d'antidote contre le poison de l'esclavage qui rend possible la tyrannie. Ce ne sont pas les maîtres qui font les esclaves, ce sont les esclaves qui appellent les maîtres.

Lâcheté du peuple qui préfère vivre honteusement plutôt que de mourir pour la liberté, lâcheté des écrivains, des intellectuels qui préfèrent servir d'esclaves aux puissants plutôt que d'éclairer les peuples.

Meslier n'aime pas son époque : «il faut dire, à la honte de notre siècle et de nos derniers siècles, que l'on ne voit plus maintenant dans le monde que de lâches et misérables esclaves de la grandeur et de la puissance extraordinaires des tyrans», il regrette l'antiquité dont il se fait l'idée d'une époque durant laquelle les hommes étaient d'une autre trempe, une époque durant laquelle on ne négociait pas avec les principes. Il se rêve souvent en Hercule, le héros fort mais surtout furieux. La figure des empereurs courageux et héroïques prêts à se sacrifier à la liberté du peuple revient plusieurs fois. Il y a chez Meslier un appel à l'homme providentiel. Mais cet homme ne serait pas l'envoyé de la Providence, il serait un sauveur des peuples, des corps et non des âmes.

S'il n'attend pas un messie, Meslier compte sur un libérateur. Non pas pour prendre le pouvoir mais pour rendre la liberté au peuple.


La société contre l'Etat, la négativité du pouvoir.

La position de Meslier pose deux questions.

La première à propos de la modalité de la révolution : d'un côté le peuple doit se libérer lui-même mais de l'autre il attend des hommes de la trempe de Trajan ou d'Antonin pour protéger cette liberté, des hommes comme Jacques Clément, Ravaillac, Brutus et Cassius pour assassiner les tyrans, des orateurs comme Ciceron pour haranguer les foules et réveiller les consciences, des législateurs comme Publicola pour donner des droits au peuple. L'attitude semble contradictoire. Qui doit entreprendre la révolution ? Une élite, des héros, des hommes à la trempe exceptionnelle ou le tout venant, le peuple, tous les braves gens exploités ? Meslier semble tout simplement ne pas trancher et passer d'une option à l'autre. La seule certitude étant la nécessité de la révolution.

La seconde à propos de l'articulation entre le pouvoir et la liberté. Et c'est là l'occasion de réinterroger l'anarchisme de Meslier.

A lire le passage précédemment cité, le pouvoir est considéré comme nocif aux peuples. Le pouvoir c'est avant tout le pouvoir de tyranniser, donc d'écraser, de réduire, de rabaisser, d'avilir. Les hommes généreux qui exercent dignement le pouvoir l'exercent avant tout pour le juguler, pour en réduire les conséquences funestes. Le pouvoir c'est le négatif, il faut confier le négatif à ceux qui seront capables non pas de le transformer en positif (ce qui semble incompatible avec le pessimisme de Meslier) mais de protéger le positif. Exercer le pouvoir pour empêcher qu'il s'exerce, voilà ce que Meslier attend d'un prince juste. Voilà pourquoi il invoque Antonin dont il se fait l'image d'un débonnaire protecteur du peuple et Trajan qui serait prêt à se sacrifier et dont la sagesse serait allée jusqu'à comprendre que le pouvoir dont il disposait serait la première menace pour la liberté des peuples, d'où l'ordre donné de l'assassinat. L'empereur qui ne parviendrait pas à contenir le pouvoir mais qui ne ferait que l'exercer deviendrait un tyran, ordre serait donné aux prétoriens de supprimer le tyran, donc de restaurer la liberté. La liberté est bien supérieure au pouvoir, ce n'est pas le pouvoir qui confère la liberté mais le contraire. Force est de constater, à ce moment de l'analyse que Meslier est bien une sorte d'anarchiste.

Mais un anarchiste qui considère qu'un prince ou un législateur est envisageable, à condition qu'il use du pouvoir pour ne pas l'exercer. Ce qu'imagine Meslier, ce n'est pas une société sans Etat, c'est une société contre l'Etat. Il s'agit de lutter pour que le pouvoir ne mette pas en danger l'ordre social.


La fonction des intellectuels.

Bien entendu l'expression « les intellectuels » n'existe pas à l'époque de Meslier. Le poids des journalistes, des orateurs, des philosophes, des écrivains, des grandes voix de l'opinion n'est tangible que dans une République. Dans une monarchie de droit divin l'idée même d'opinion publique n'a aucun sens. Tout au plus on assiste à des querelles (parfois violentes) entre les coteries qui entourent les puissants, disputes relayées par des discordes théologico-politiques : la réforme, le jansénisme, le jésuitisme, la compagnie du Saint Sacrement, etc. qui soutiennent soit la monarchie absolue, soit les princes ; ce qui conduit peu ou prou à la Fronde. Pour Meslier, peu importe, car lorsque les loups s'entre-dévorent, c'est le gueux qui finit par payer.

Meslier en appelle à ceux qui ont la lucidité, le courage et le talent d'éveiller les peuples. Donc il en appelle tout simplement à l'émergence de l'opinion publique. Tant que le peuple n'est pas instruit de ce qui se trame sur son dos, il ne peut que le courber, l'instruction le redressera. Il ne s'agit donc pas de mettre les intellectuels au poste de commandement de la révolution, cela n'est pas leur rôle, et peut-être même que si on le leur confiait, ils risqueraient de l'usurper et de dépouiller le peuple de la liberté. Il s'agit, et c'est pour Meslier une sorte de devoir moral (puisqu'il est honteux de ne pas le faire) « d'exciter » les peuples, de leur montrer la réalité de leur condition comme elle est, et non de les laisser croire la fable que leur content les puissants. Le rôle de ceux que Meslier appellent les orateurs, autant dire les philosophes, est d'accuser les menteurs et les hypocrites, de mettre en évidence les machinations, de tourner en ridicule le discours sophistiqué que les grands sont obligés d'inventer pour masquer leurs turpitudes et justifier leurs vices. Le courage que réclame Meslier c'est le courage de regarder la réalité en face et de la dire. Les orateurs, doivent, par leurs interpellations et leurs harangues, non pas orienter le jugement du peuple, mais permettre au peuple d'accéder au jugement. On ne peut juger que si on a la réalité à juger et si on possède des critères pour le faire. C'est le travail des intellectuels que de mettre le peuple dans les conditions qui rendent possible un authentique exercice du jugement, donc de la critique et de la liberté.

Qu'est-ce que les Lumières ? Kant répond que c'est avoir le courage de sortir de l'état de tutelle dont on est soi-même responsable, que seuls la lâcheté et la paresse interdisent de passer de la minorité à la majorité : « La paresse et la lâcheté sont les causes qui expliquent qu’un si grand nombre d’hommes, après que la nature les a affranchis depuis longtemps de toute direction étrangère, restent cependant volontiers, leur vie durant, mineurs, et qu’il soit si facile à d’autres de se poser comme leurs tuteurs. Il est si commode d’être mineur » Pas mieux que Meslier, sauf que l'ardennais avait pris 60 ans d'avance sur celui que Nietzsche surnommait « le petit chinois de Koenigsberg ». Meslier précurseur des Lumières ? Cela ne fait aucun doute.

Depuis quelle tribune l'orateur prend-il la parole pour autoriser l'exercice du jugement et l'entrée dans la majorité ? S'il parle depuis un palais, il parle pour ceux du palais, pour ses maîtres, pour recevoir son obole. Molière ? Il raille les moeurs de Versailles mais en vit, la raillerie porte-t-elle ses fruits ? Il écrit avant tout pour renforcer le parti de son maître, le plus infâme des tyrans, Louis XIV. Le public rit des histoires de cocu, le roi se gondole en écoutant monsieur Jourdain faire de la prose ou en voyant mise en scène la concupiscence de Tartuffe. Mais le sein vu par un faux dévot ne libère pas les peuples, les pièces de Molière ne parviennent pas jusque dans les campagnes ardennaises.

L'orateur doit parler depuis le peuple, avec le langage du peuple et au peuple, il doit réveiller cette sagesse que le peuple a en lui, sans sophistication, sans effet de style, le discours doit être au service du dévoilement de la vérité pour une re-découverte de la réalité. L'intellectuel populaire n'est pas forcément un lettré, un docteur. Il ne saurait l'être, s'il est populaire.

Meslier pense l'intellectuel populaire sans disjonction d'avec le peuple. Il ne s'agit pas de réconcilier les intellectuels avec le peuple, il s'agit de prendre au sérieux les modalités de pensée du peuple. Elles ne s'expriment pas dans les traités compliqués des professeurs mais dans des actes, des conduites, des manières de vivre qui sont tout autant de manières de penser, de se penser et de juger du juste et de l'injuste, du bien et du mal, du louable et du condamnable. Pourvu qu'on laisse le peuple vivre comme il vit, c'est-à-dire être lui-même, il y aura dans son sens commun une sagesse qui lui permettra de vivre comme il faut, en accord avec lui-même.


Une stratégie sur trois fronts.

La révolution selon trois axes.

1. une action de masse : l'abandon de la religion, la désobéissance civile, la grève générale.

2. une action clandestine : diffuser, instruire, transmettre, informer les esprits. Le peuple n'est pas seulement l'objectif de l'instruction, il en est aussi le vecteur, puis l'auteur : « peuples ! Désabusez-vous vous-mêmes ! ».

3. une action terroriste : violence et sacrifice personnel.


Une action matérielle.

Il s'agit de paralyser le pouvoir en l'attaquant directement où il s'exerce : à chaque fois qu'un seigneur ordonne, à chaque fois qu'un huissier vient saisir une maison, qu'un collecteur d'impôts arrive dans un village, qu'un sergent recruteur arrive pour prendre les fils et les maris, les amis et les frères pour leur faire faire la guerre qui n'est jamais la leur, à chaque fois qu'un bourreau vient à dresser une potence ; à toutes ses occasions, il faut intervenir, saboter, résister, s'opposer.

Meslier n'imagine pas prendre la Bastille. C'est inutile. Il ne s'agit pas de prendre le symbole du pouvoir, il faut prendre le pouvoir là où il s'exerce, donc prendre toutes les bastilles quotidiennes qui enferment le peuple dans une injuste condition.


Une action morale.

Il faut instruire, diffuser, dénoncer sans relâche. Il faut utiliser les canaux de la presse clandestine (Meslier produit 3 exemplaires de son Mémoire et enjoint, dans une lettre aux curés du voisinage, ses collègues à recopier et à diffuser le texte). Il faut que le plus grand nombre soit mis en face de la réalité, il faut que l'imposture soit révélée et que la grandeur des grands apparaisse telle qu'elle est en réalité : une petitesse juchée sur des échasses de mensonge et de lâcheté.


« vivre convenablement ensemble ».


Meslier n'utilise pas le mot de communisme qui n'existe pas avant Sylvain Maréchal (1796), Owen (1827), Restif de la Bretonne et enfin le fameux manifeste.

Pourtant Meslier identifie la propriété individuelle des biens, de la terre et de la richesse comme source de l'inégalité, l'inégalité comme source des injustices, les injustices comme source des souffrances et des misères, donc du malheur.

Comment sortir du malheur, c'est-à-dire comment accéder au paradis terrestre ?

Déjà il faut identifier le paradis qu'on recherche.

Si c'est le paradis des riches, ce paradis qui existe déjà et dont le prix est la misère du plus grand nombre, inutile de faire la révolution, il existe déjà, mais surtout, il ne faut pas y entrer, il faut le détruire.

Il convient de ne pas se tromper de paradis. Un pauvre qui voudrait devenir riche est déjà un riche en puissance, donc un ennemi, un futur oppresseur.

Il faut construire un nouveau paradis, un paradis qui ne se paye pas au prix de l'enfer. Un paradis où le plaisir et la jouissance soient à la portée de tous, soient mérités par tous.

Pour Meslier il suffit d'être utile pour pouvoir jouir des biens de la terre en suffisance et sans peine excessive. Les biens de la terre sont à tous, à tous ceux qui se donnent la peine de les mériter avec un minimum d'honnête et réel travail. Alors les hommes pourront vivre « convenablement ensemble » selon des règles pratiques suivantes.


1. les membres de la communauté ont « tous une même ou semblable nourriture », on ne voit plus les uns qui se saoulent et se goinfrent, alors que d'autres meurent de faim ou n'ont pas assez pour nourrir convenablement leurs enfants.

La communauté de Meslier est une communauté des subsistances.


2. les membres de la communauté sont également « bien vêtus et bien chaussés ». Il n'y en a pas qui « sont transis de froid pendant que d'autres manquent de malles pour y ranger leurs vêtements ».

La communauté de Meslier est une communauté vestimentaire.


3. les membres de la communauté sont « également bien meublés, bien logés et bien couchés ». Il n'y en a pas qui « ne possèdent même pas un lieu pour se retirer. »

La communauté de Meslier est une communauté d'habitation et de logement.


4. les enfants des membres de la communauté sont « également bien élevés, également bien nourris, également entretenus ». Meslier considère que la diversité d'éducation est cause de trouble et de division : « les enfants seront tous également instruits dans les bonnes moeurs et dans l'honnêteté, aussi bien dans les sciences que dans les arts, autant qu'il serait nécessaire à chacun d'eux de l'être, par rapport à l'utilité et au bien que l'on pourrait avoir de leur science, en sorte qu'étant tous instruits dans les mêmes principes de morale et dans les mêmes règles de bienséance et d'honnêteté, il serait facile de les rendre tous sages et honnêtes, de les faire tous conspirer au même bien et de les rendre tous capables de servir utilement leur patrie, ce qui serait certainement encore très avantageux pour le bien public de la Société humaine. »

La fabrique sociale c'est l'éducation. L'homme social ne pousse pas dans les arbres. La cohésion éducative assure la cohésion sociale. Il ne s'agit pas pour autant de faire entrer les enfants dans un moule, il s'agit de prendre en compte leurs aptitudes et les besoins de la société en vue de leur épanouissement individuel. Le système ne réclame pas le sacrifice de l'individu et l'individu ne se présente pas en profiteur du système.

L'éducation doit suivre deux directions. La première est celle de l'utilité, c'est pour cette raison qu'il faut apprendre les sciences et les arts (on notera au passage les quelques décennies d'avance de Meslier sur les rédacteurs de l'Encyclopédie), la deuxième direction rend les hommes sociables en leur apprenant la bienséance et l'honnêteté. La sociabilité n'est donc pas naturelle, la société ne saurait l'être, elle est donc un produit de la volonté des hommes. Des hommes de bonne volonté mettront en place une bonne société, des hommes de mauvaise volonté mettront en place une mauvaise société.

Meslier fonde en partie, sa construction sociale sur l'instruction, il annonce une fois de plus les lumières, et notamment celle d'un Condorcet. Maurice Dommanget voit même les prémisses d'une morale laïque dans l'approche meslieriste de l'éducation. Mais surtout, on ne peut, en lisant Meslier, encore une fois, que songer à ce qu'écrira, une poignée de dizaines d'années plus tard, Kant, dans son Traité sur la pédagogie : « L'homme ne peut devenir homme que par l'éducation. Il n'est rien que ce que l'éducation fait de lui ». La chose est sérieuse et mérite d'être redite aujourd'hui. L'éducation fabrique la société de demain c'est-à-dire le public qui lit, qui pense, qui vote, qui critique, qui publie, qui s'exprime. Voilà pourquoi l'éducation doit être publique, parce qu'elle n'est pas seulement l'affaire de la famille, elle est l'affaire de tous.

De ce point de vue, force est de constater que Meslier ne peut pas être rangé du côté de l'anarchisme. Pour éduquer il faut des maîtres, même si ces maîtres-là ont des élèves et non des esclaves.

La communauté de Meslier est une communauté d'éducation populaire.


5. Les membres de la communauté sont secourus dans les maladies et dans les accidents et consolés en cas de malheurs. La communauté n'abandonne pas ses membres quand ils ont été utiles alors qu'ils ne peuvent plus l'être.

Ce n'est pas encore la sécurité sociale ou la couverture maladie universelle, mais le projet y ressemble, bien que Meslier, toujours fidèle à une position utilitariste et chassant le profiteur de tout genre de sa communauté, indexe la solidarité sur la participation aux travaux communs. Pour bénéficier de la solidarité il faut avoir travaillé, donc avoir été, soi-même, solidaire.

Pourtant, ce n'est pas à lui que revient l'idée des caisses d'assurance.

En 1604, Henri IV fait mettre en place la caisse de secours des mineurs blessés ;

En 1681, Colbert met en place la caisse des invalides de la marine ;

En 1697, Daniel Defoe imagine la sécurité sociale généralisée ;

L'idée était donc, d'une certaine manière, dans l'air du temps.

La communauté de Meslier est une communauté de l'entraide et de la solidarité.


6. Les membres de la communauté sont libres de s'aimer.

La proposition est tout simplement stupéfiante, surtout venant d'un curé !

« Liberté aux hommes et aux femmes de se joindre indifféremment ensemble, chacun suivant son inclination, comme aussi la liberté de se quitter et de se séparer les uns des autres, lorsqu'ils ne se trouveraient pas bien ensemble, ou lorsque que leur inclination les porterait à former quelqu'autre nouvelle alliance. »

A la liberté des mariages Meslier associe la liberté des divorces et les conditions du divorce ne sont pas seulement la mésentente, mais aussi la possibilité de nouvelles ententes. Non seulement les membres de la communauté ont le droit de se séparer mais en plus ils ont le droit fonder de nouveaux couples. Ce qui préside à la vie commune doit être « le plaisir et le contentement ensemble ». On retrouve ici les fondements de la morale épicurienne, et pas seulement entendue au sens populaire du terme. Il s'agit de vivre ensemble, pour le meilleur, donc le plaisir, et non pour le pire. La vie commune doit tout simplement être avantageuse. Elle est une combinaison, or il y a une infinité de combinaisons possible. Si une combinaison est plus avantageuse qu'une autre pourquoi la refuser ? Pourquoi choisir le pire lorsqu'on peut choisir le meilleur ? Pourquoi vivre en enfer alors qu'on peut pousser la porte du paradis ?

Meslier va encore plus loin lorsqu'il critique le discours de la morale chrétienne sur la sexualité.

La condamnation de la sexualité est une incohérence : si Dieu ne voulait pas qu'on fasse usage de nos sexes pourquoi nous en aurait-il pourvus ?

Une fois encore l'incohérence chrétienne se double d'une posture contre nature, le surnaturel est anti-naturel : « les pratiques de la chair sont naturelles, les plus convenables et les plus nécessaires à la multiplication du genre humain ». On ne peut pas plus clair, on ne peut pas faire autrement preuve de bon sens : « la puissance d'engendrer est une si aimable et si charmante puissance. »

Le bon sens est précisément ce qui anime la dernière remarque sur ce sujet. Meslier pense que toute condamnation du désir est vaine. Qui renoncerait à ses désirs, aux promesses du plaisir par peur du châtiment divin ? La crainte des enfers ne peut empêcher la jouissance des amants. Pourquoi ? Tout simplement parce que pour les pauvres paroissiens de Meslier, l'enfer n'est plus à craindre, il est vécu au quotidien. S'ils peuvent, en enfer, jouir de temps à autre, pourquoi se priveraient-ils ? Une précision toutefois, si Meslier est un ardent défenseur de l'union libre, il n'en condamne pas moins « la chiennerie » cause de troubles multiples, mauvais exemple pour les enfants, etc. La démarche de Meslier est avant tout pragmatique et utilitariste, il est beaucoup plus proche de Lucrèce ou d'Epicure (qui condamnent l'amour passion mais font l'apologie de l'union libre et contractuelle) que des romantiques de la fin de son siècle. La vie de couple et la vie amoureuse sont légitimes si elles sont avantageuses, et lorsqu'elles se doublent de sensualité et de plaisir « seuls les sots par bigoterie et par superstition n'oseraient goûter au moins quelques fois ce qui en est. »

Meslier a sans aucun doute fait l'expérience de « ce qui en est » puisqu'en 1696, dans sa visite d'inspection Monseigneur Le Tellier, note que le curé d'Etrépigny vit avec une servante qui a 23 ans, en 1726, son successeur, Monseigneur de Mailly, note qu'il vit avec une servante de 18 ans.

La communauté de Meslier est une communauté de l'union et de l'amour libre.


7. Les membres de la communauté travaillent.

« Pas de fainéant », « tous à la besogne. »

Celui qui ne travaillerait pas introduirait de l'injustice puisqu'il profiterait du travail des autres sans pouvoir faire profiter les autres de son propre travail. Le travail est le ciment de la communauté. Meslier congédie le vieil ordre féodal qui sépare la société en noblesse, clergé et tiers-état avec ses privilèges, et notamment ceux exorbitants de la noblesse qui ne travaille pas, s'enrichit du travail des autres et ne paye pas l'impôt mais le perçoit. Ne pas travailler c'est être un fainéant, un profiteur et un parasite. Meslier met dans cette catégorie tant les nobles, les moines, nonnes, abbés, et d'une manière générale tous les membres du clergé contemplatif autant que les vagabonds, mendiants (le Christ est le modèle du fainéant, vagabond, mendiant, profiteur, vaurien : « un pendard qui devrait aider son père à la charpente »)

Comme les enfants sont à l'école, les femmes peuvent travailler comme les hommes. Il ne s'agit pas de travailler pour travailler mais de travailler pour les besoins de la communauté ; lorsque ces besoins sont assurés, le travail n'est plus nécessaire. Si le travail de subsistance n'est plus nécessaire cela ne signifie pas que les hommes doivent sombrer dans le désœuvrement et l'ennui, un autre travail est possible : la musique, le théâtre, la jonglerie, les marionnettes, etc, qui dans la société de Meslier prennent une place tout aussi importante que le travail de la subsistance. Le travail est un instrument pour se libérer des besoins et assurer l'égalité et l'équité dans la communauté, en aucun cas le travail ne saurait devenir un levier de l'aliénation et de l'asservissement.

La communauté de Meslier est une communauté du travail.


8. Les membres de la communauté obéissent à des règles et à des lois : « une société ou une communauté d'hommes ne peut être bien réglée ni même étant bien réglée, se maintenir en bon ordre, sans qu'il y ait quelque dépendance et subordination entre eux. » cependant, « il ne faut pas qu'elle aille jusqu'à trop élever les uns et trop abaisser les autres ; ni trop flatter les uns ni trop fouler les autres. »

Cette déclaration met fin à toute interprétation anarchiste du texte de Meslier. Cependant, on ne doit pas la lire de manière trop rapide. Il y affirme que toute société doit être réglée, nous devons comprendre par là, régulée. La règle sert moins d'instrument de mesure d'une conduite à l'aune d'une norme que d'orientation ou de borne. La régulation c'est l'instrument nécessaire pour limiter les trop fortes disparités sociales. Meslier prône la règle contre les inégalités. La règle instaure un ordre et cette instauration comme son maintien nécessitent l'établissement de rapports hiérarchiques entre les hommes. C'est l'ordre social, non spontané qui justifie et nécessite des rapports de subordination. Mais la subordination n'est pas l'aliénation. Meslier n'est pas défenseur de la hiérarchie en tant que telle, mais en tant qu'instrument social. Une fois encore, si l'instrument cause plus de tort que de bien, si la hiérarchie provoque du désordre, de l'injustice, de la violence et met en danger la communauté, alors elle n'est pas justifiée. Pour cette raison, elle est elle même contrôlée, il ne s'agit pas de donner des honneurs, de donner des titres, il s'agit simplement de donner une tache, une fonction, et cette fonction suppose une certaine forme de commandement. Cependant ce commandement est un commandement à des égaux et ne donne pas droit de jouir du travail des autres, ni d'avoir de plus belles maisons, ni de plus beaux habits ni de meilleures nourritures. Ce commandement est au service de ceux qui sont commandés et non au service de celui qui commande.

Le commandement comme le pouvoir existent et sont nécessaires, la tâche des administrateurs de la communauté est de les rendre inoffensifs, voire utiles à la cité. Ne pas administrer la cité serait laisser libre cours à la volonté de puissance de certains hommes et à la volonté de servitude de certains autres, ce serait courir à la catastrophe.

Si la nature est souvent une référence pour Meslier parce qu'elle est la manifestation incontestable de la réalité, elle n'est pas, par contre, le modèle de l'organisation sociale. Les hommes n'ont pas, par nature, les moyens de s'assembler en des communautés justes et heureuses. Le bonheur est le produit d'une association particulière, selon des règles et des principes particuliers. Ces principes étant artificiels et conventionnels, ils ne sauraient se maintenir sans la « conspiration » de tous.

Le paradis terrestre pour tous a un prix, celui de l'effort sur soi, celui de l'éducation, celui du travail. C'est le seul prix supportable, c'est la seule voie possible. Quiconque voudrait payer un autre prix ou s'en exonérer devra rester à la porte du paradis ; s'il y rentrait, il le transformerait en enfer. Il ne s'agit pas de partager les fruits du travail de chacun, ses fruits sont la propriété de tous ceux qui travaillent, ce qui est partagé c'est une volonté, c'est un ensemble de règles, c'est un souci commun, c'est une histoire.

La communauté de Meslier est une communauté réglée.


9. Enfin, on peut interpréter la construction sociale de Meslier comme un hédonisme social. Non seulement les hommes et les femmes vivent en couple pour le plaisir et l'agrément, mais en plus ils doivent vivre en communauté, non seulement par besoin et nécessité, mais aussi pour le plaisir et l'agrément. Meslier accorde une importance toute particulière à la musique, aux musiciens, à la danse, aux fêtes, au théâtre, aux comédies, aux marionnettes, etc. Tous ses loisirs sont utiles parce qu'ils sont plaisants. Il ne s'agit pas d'édifier le peuple ou de l'instruire (l'école est prévue pour cela), il s'agit de le laisser organiser sa sociabilité selon ses propres inclinations culturelles. Meslier prend au sérieux la culture populaire.

La communauté de Meslier est une communauté du plaisir et de la fête.

Pour conclure : toujours en colère.


En 1931, dans Aden d'Arabie, Nizan, le camarade de Sartre, l'auteur des Chiens de garde, écrivait : « Quiconque veut penser aujourd'hui humainement pensera dangeureusement. »

Ces quelques mots ne peuvent que faire penser à Meslier. Il a pensé humainement, il a pensé dangereusement, mais il a pensé généreusement.

C'est cette générosité qui est frappante chez Meslier. Elle n'est ni naïve, ni condescendante, elle est simplement humaine. Il n'en appelle pas à la révolution par idéal, ou parce qu'il voudrait faire prendre conscience au prolétariat des campagnes ardennaises de son rôle historique, ou encore par romantisme. Il en appelle à la révolution à cause de la souffrance, de la douleur, de l'inhumanité des conditions d'existence de ceux qui l'entourent. Meslier est révolutionnaire pour des raisons simples : il voit l'insupportable et ne le supporte plus, alors il l'écrit.

Ce génie colérique qui anime Meslier, on le trouve aussi chez Nietzsche quand il en appelle à l'invention d'autres possibilités d'existence ; on le trouve chez Camus, le gamin de Belcourt devenu prix Nobel, lorsqu'il écrit l'Homme Révolté, on le trouve chez Orwell, le brigadiste du POUM, dans Le quai Wigan ou dans Hommage à la Catalogne.

La colère de Meslier n'est pas la colère ambitieuse de ceux qui veulent changer l'homme ou changer le monde, elle est la colère des humbles qui veulent tout simplement vivre en hommes avec des moyens d'hommes. Cette colère manuscrite en trois exemplaires d'une écriture fine et serrée au début du XVIIIe siècle révèle qu'on a toujours raison de se révolter contre le pouvoir, qu'on a toujours raison de critiquer les hommes qui aiment à se laisser commander.

« Profitez donc sagement du temps en vivant bien, et en jouissant sobrement, paisiblement et joyeusement, si vous pouvez, des biens de la vie et des fruits de vos travaux car c'est le meilleur parti que vous puissiez prendre, puisque la mort mettant fin à la vie, met également fin à toute connaissance et à tout sentiment de bien et de mal. »

Meslier fait là une confession d'épicurisme : on n'a qu'une seule vie, on ne la réussira pas en rêvant à l'immortalité, en exerçant sa volonté de puissance sur ses congénères, en accumulant des richesses et des biens, en sombrant dans la démesure qui transforme tout bonheur en malheur, déjà en malheur des autres puis en malheur de soi parce qu'être heureux c'est se satisfaire de ce qui est possible et parce qu'être malheureux c'est vouloir l'impossible.

Il faut travailler au bonheur possible, au bonheur vivant, au bonheur humain. Un bonheur qui ne doit se payer en aucun cas ni par le malheur des autres ni par le renoncement à soi mais par l'affirmation de soi avec les autres.



Florian Brion, 2009.

Quelques références


Texte de Jean Meslier :

On évitera la version tronquée de Voltaire, qui est bien plus d'Arouet que de Meslier.

Jean Meslier, Mémoire contre la religion, Coda, 2007, d'après le manuscrit 19460, orthographe modernisée.

Jean Meslier, Oeuvre complète, Anthropos, 1970-1972, édition en 3 tomes comportant l'Anti-Fénelon et la Lettre aux curés du voisinage, établie par Roland Desné, Jean Deprun, Albert Soboul et Henri Manceau.


Sur Meslier :

Ouvrages par ordre chronologique de publication :

Colonie d'Aiglemont, Non ! Dieu n'est pas ! Etude sur le curé Meslier, 1906. Texte anonyme écrit et publié par les membres de la colonie libertaire d'Aiglemont, réédité en fac-similé par La Question sociale, 2006.

Maurice Dommanget, Le curé Meslier, athée, communiste & révolutionnaire sous Louis XIV, 1965, réédité par Coda, 2008.

Serge Deruette, Lire Jean Meslier, curé et athée révolutionnaire, introduction au mesliérisme et extraits de son œuvre, 2008, éditions Aden, coll. Opium du peuple, avec une préface de Roland Desné.


Articles, périodiques, notices.

Par ordre chronologique de publication :

Jean Fabre, L'étonnante histoire du curé Meslier, le Monde 1er aout 1970.

Roland Desné, Le curieux itinéraire de MS 19460, le Monde 1er aout 1970.

Roland Desné, Entre Montaigne et Marx, le Monde 1er aout 1970.

Roland Desné, Les erreurs du grand Larousse, le Monde 1er aout 1970.

René Pomeau, Travesti par Voltaire, le Monde 1er aout 1970.

Albert Soboul, Un communisme de la jouissance, le Monde 1er aout 1970.

Jean Deprun, La philosophie des Lumière, Bayle, Fontenelle, Meslier, in Histoire de la philosophie, T.II, dirigé par Yvon Belaval, Pléiade, 1973.

Serge Deruette, Sur le curé Meslier, précurseur du matérialisme, Annales historiques de la Révolution française, vol. 262, n°1, 1985.

Victor-René Desmont, Le curé Meslier, Terre Ardennaise n°19, juin 1987.

Geneviève Menant-Antigas, Quatre témoignages inédits sur le testament de Meslier in Dix-huitième siècle n°24, 1992.

Miguel Benitez, Jean Meslier et l'argument ontologique in Etre matérialiste à l'âge des Lumières, mélanges offert à Roland Desné, PUF, 1999.

Miguel Benitez, Jean Meslier, le doute méthodique et le matérialisme, archives internationales de l'histoire des idées n °184, Return of scepticism from Hobbes and Descartes to Bayle, dirigé par Gianni Paganini, Kluwer Academic Publisher, 2003.

Michel Onfray, Jean Meslier et le doux penchant de la nature in Les ultras des Lumières, contre histoire de la philosophie tome 4, Grasset, 2007.


Actes des colloques :

Actes du colloque international d'Aix-en-Provence, 21 novembre 1964.

Etudes sur le Curé Meslier, centre aixoix d'études et de recherches sur le XVIIIe siècle. Ed. Société des études robespierristes, Paris 1966.

Maurice Dommanget, Origine, enfance et mort du curé Meslier.

Martin Fontus, Une nouvelle copie du testament de Meslier.

Jean Deprun, Meslier et l'héritage scolastique.

Henri Weber, Meslier et le XVIe siècle.

Etienne Verley, Meslier et les animaux-machines.

Roland Desné, Meslier lecteur de La Bruyère.

Jacques Proust, Meslier prophète.


Actes du colloque international de Reims, 17-19 octobre 1974.

Le Curé Meslier et la vie intellectuelle, sociale et religieuse à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle, publication de l'université de Reims, 1980.

Notamment :

Patrick Doussot, L'archaïsme de Meslier.

Michel Devèze, Les villages et la régions du curé Meslier sous Louis XIV, d'après les rapports des intendants.

Dominique Julia et Denis Mc Kee, Le clergé paroissial dans le diocèse de Reims sous l'épiscopat de Charles-Maurice Le Tellier.

Nicole Perrin, Quelques aspects de la vie religieuse dans les campagnes ardennaises au temps de Meslier.

Roland Mortier, Meslier et le statut de l'ecclésiastique.

Roger Zuber, Le protestantisme autour de Meslier.

 

Ouvrages généraux sur la période :

Ulrich Im Hof, Les Lumières en Europe, Seuil, 1993.

Tzvetan Todorov, L'esprit des Lumières, Robert Laffont, 2006.

Catherine Secrétan, Tristan Dagron, Lauren Bove (dir), Qu'est-ce que les Lumières «radicales »? Libertinage, athéisme et spinozisme dans le tournant philosophique de l'âge classique, Editions Amsterdam, 2007.

Michel Onfray, Les ultras des Lumières, contre histoire de la philosophie tome 4, Grasset, 2007.


Ecrit par libertad, le Lundi 22 Juin 2009, 22:06 dans la rubrique Analyse.

Commentaires :

Anonyme
06-06-10 à 15:07

Meslier

Bonjour Florian,
Toutes mes félicitations pour votre bel aricle sur Meslier, fort bien analysé et très pédagogique ! Je le découvre seulement aujourd'hui !
Comment avez-vous pris connaissance de notre curé préféré et de sa pensée ?
Avez-vous su que le 24 avril, nous avons organisé une journée Meslier à Etépigny ? Elle a rassemblé quelque 200 personnes (et on a dû refuser du monde !)
Bien cordialement
Serge Deruette

 


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